La Gemapi ou Gestion des Milieux Aquatiques et prévention des inovations
Unique disposition environnementale du projet de loi sur la
décentralisation, la création de la compétence de « gestion des milieux
aquatiques et prévention des inondations » fait beaucoup de mécontents :
communes et intercommunalités n’étaient pas candidates à la nouvelle mission
que leur confie l’Etat, mais qu’auraient volontiers exercée les établissements
publics territoriaux de bassin. L’échelle administrative, en passe d’être
désignée responsable, et celle du bassin versant, qui clame sa pertinence territoriale,
sont forcément vouées à coopérer…
Une compétence locale qui divise
Ainsi, nullement demandeur de cette responsabilité, le bloc local
critique l’absence de débat et de chiffrage de la mesure. L’Association des
maires de France souhaite que le sujet soit traité « dans le cadre de
l’élaboration de la stratégie nationale de gestion des risques d’inondation,
dont le chantier vient d’être lancé par le ministère de l’Ecologie ». Pour
l’Assemblée
des communautés de France (ADCF), le débat doit être
reporté à 2015, quand la révision des schémas départementaux de coopération
intercommunale fournira « une occasion historique de repenser
l’organisation de l’eau », selon son délégué général, Nicolas Portier.
Dans l’immédiat, la nouvelle mission est drapée de flou. « Quelle obligation
de résultat, à quelle échéance ? » questionne le responsable de l’ADCF,
soulignant que « le sujet a surgi sans concertation préalable avec les
associations d’élus ».
[…]
La préférence pour le bassin de vie
Fin 2012, un avant-projet de loi envisageait que des Établissements
Publics Territoriaux de Bassin [EPTB] se déploient à l’échelle nationale d’ici
2017, pour assumer la compétence « Gemapi ». Un scenario qui s’est
avéré intenable à l’heure de la simplification de la carte territoriale.
« Intellectuellement, l’idée de couvrir le territoire d’établissements
publics territoriaux de bassin est séduisante, mais l’air du temps n’est pas à
la création de nouvelles structures », reconnaît Laurent Roy, directeur de
l’eau et de la biodiversité au ministère de l’Ecologie. Même réalisme chez Géraud
Guibert, président du think tank La fabrique
écologique : « On ne peut tout raser et partir d’une feuille
blanche pour élaborer un schéma parfaitement rationnel », observe celui
qui fut « facilitateur » des débats
sur l’eau lors de la Conférence environnementale de septembre 2013.
Au bassin fluvial, l’exécutif a donc au final préféré le bassin de vie, non
sans bonnes raisons. D’abord, certaines intercos se sont déjà emparé de la
« Gemapi ». Surtout, « le territoire est maillé de communes et
d’établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à
fiscalité propre : c’est une garantie qu’il y ait partout des maîtres
d’ouvrage, condition indispensable au respect de la directive cadre européenne
sur l’eau de décembre 2000 (1) », fait valoir Laurent Roy. Autre
argument : « Les inondations sont une question d’urbanisme,
compétence du bloc local qu’il s’agit de faire converger avec la politique de
l’eau », souligne Alby Schmitt, directeur adjoint de l’eau et de la
biodiversité. Aujourd’hui, « seul un document d’urbanisme sur trois
intègre la question des eaux pluviales », relève Philippe Maillard,
directeur général de la Lyonnaise des eaux.
Pour les Français, le lien entre inondation et politique locale d’urbanisme est
pourtant évident : 69 % citent les constructions en zone inondable
comme facteur de risque (39 % les mentionnant en premier) […] selon une
étude de l’Ifop menée en octobre 2013 pour le ministère de l’Ecologie.
Un seul grand cycle
Pour mieux plaider leur cause, les EPTB récusent les notions de «
petit » et de « grand » cycle de l’eau. « Il n’y a qu’un seul
grand cycle, au sein duquel s’exercent de multiples usages dont le petit cycle
(production-distribution d’eau potable et épuration des eaux
usées) mais aussi l’agriculture, la pêche, l’hydroélectricité, les sports
aquatiques, élargit Daniel Marcovitch. Il faut revenir à la notion simple d’un
cycle unique, avec des problématiques d’inondation, d’étiage, de pollution. Une
vision globale s’impose pour bâtir une politique de l’eau à l’échelle du bassin
versant, dont l’EPTB a vocation à être l’ensemblier », défend-il. Du coup,
une « Gemapi » affectée au bloc local doit s’assortir d’une
obligation de transfert de compétence ou d‘adhésion à l’EPTB, « qui est l’outil
de cohérence », selon le président de l’AFEPTB [Association Française des Etablissements Publics Territoriaux de Bassin] et l'organe fédérateur selon André Flajolet, ancien président du Comité
national de l’eau.
Autrement dit, les différents acteurs prônent une compétence partagée qu'une démarche de concertation aurait pu faire émerger...
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