L'Organisation mondiale du commerce (OMC) a finalement autorisé les
gouvernements des pays en développement à détenir des stocks publics à
des fins de sécurité alimentaire. Jusqu’au bout, l’Inde a fait de la
résistance. Elle doit en effet mettre en œuvre l’an prochain un
programme d'aide alimentaire destiné à assurer à quelque 800 millions de
personnes les moyens de se nourrir.
A l’heure où s’ouvrait la réunion ministérielle de Bali de l’OMC,
rares étaient ceux qui croyaient qu’un accord pourrait être trouvé sur
l’agriculture. L’agriculture a fait l’objet de toute une série de
réunions stériles depuis la création de l’OMC en1995. Peu avant la
réunion de Bali, le « Groupe des 33 », composé de 46 membres dont l’Inde, la Chine et l’Indonésie, avait proposé de rouvrir les discussions sur les subventions agricoles à l’OMC. Ils demandaient l’autorisation
pour les gouvernements d’acheter une partie de la production agricole
pour la distribuer à leurs consommateurs pauvres. Cette
proposition était une remise en cause d’un aspect fondamental de
l’accord de Marrakech à la base de la création de l’OMC. La réaction des
Etats-Unis à cette proposition ne s’était pas faite attendre par la
voix de leur ambassadeur à l’OMC qui déclarait qu’un tel accord « créerait
une faille énorme pour l’utilisation potentiellement illimitée de
subventions créant des distorsions dans les marchés ».
L’Inde avait fait savoir, au début de la réunion, qu’elle était prête
à utiliser son véto (les décisions à l’OMC doivent obtenir l’unanimité
des 159 pays Membres) si elle n’arrivait pas à obtenir un accord lui
permettant d’exécuter son programme de sécurité alimentaire d’envergure. L’argumentaire en faveur de la proposition indienne peut se résumer simplement : comment refuser à un pays de subventionner son agriculture à concurrence de 20 milliards de dollars par an pour aider 800 millions de personnes, alors que les Etats-Unis donnaient un soutien estimé par l’OCDE à plus de 100 milliards de dollars, au bénéfice d`à peine 800 000 producteurs agricoles, en déréglant par la même le marché des produits agricoles mondiaux ?
Finalement, et pour la première fois depuis la création de l’OMC, un
accord portant sur l'agriculture, l'aide au développement et la
réduction de la bureaucratie aux frontières a été trouvé, cela malgré
une objection de dernière minute présentée par un groupe de pays
d’Amérique du Sud portant sur le blocus imposé à Cuba. L’accord s’est
fait par l’adoption d’une « clause de paix » qui stipule que les «Membres
s'abstiendront de contester, dans le cadre du Mécanisme de règlement
des différends de l'OMC, le respect par un Membre en développement de
ses obligations au titre [...] de l'Accord sur l'agriculture en ce qui
concerne le soutien accordé pour les cultures vivrières essentielles
traditionnelles conformément aux programmes de détention de stocks
publics à des fins de sécurité alimentaire », en attendant « la solution permanente » de cette question . En contrepartie, les pays concernés s’engagent « à ne pas créer de distorsion sur le marché ni d’avoir d’effet sur la sécurité alimentaire d’autres Membres » (c’est-à-dire à ne pas exporter les produits subventionnés).
L’Inde pourra donc dès 2014 exécuter son programme de sécurité alimentaire.
D'après une brève de Materne Maetz, publiée sur lafaimexpliquee.org et alimenterre.org le 09 décembre 2013
Mots clés : OMC, sécurité alimentaire, pays en voie de développement, Inde
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