On croit souvent cette ressource illimitée. Mais près d'un quart des sols français sont menacés de disparition. Les explications de Terraeco.
Sous les pavés et le bitume, la terre est bien mal en point. Dans de
nombreux champs, c’est encore pire. Les sols de France sont en danger,
et on commence à peine à s’en rendre compte. « On a longtemps
considéré les sols comme un simple support de l’agriculture, et on
pensait qu’on savait très bien les gérer. Les scientifiques ont commencé
à réaliser dans les années 1990 que ce n’était pas le cas, mais il a
fallu attendre 2012 pour qu’il y ait une prise de conscience
internationale du phénomène » , alerte Dominique Arrouays, président
de l’Association française pour l’étude des sols (Afes) et organisateur
d’un colloque dans le cadre de la journée mondiale des sols, le 5 décembre 2013.
Difficile à concevoir, mais le sol qui nous entoure est bien une
ressource très limitée. La couche de 30 cm de terre qui recouvre une
bonne partie des terres non immergées (et non bétonnées) de la planète
est le subtil résultat de la très lente dégradation des roches. On
trouve plus d’organismes vivants dans une poignée de ce mélange
richissime que d’êtres humains sur la surface de la planète. De ces
terres dépend la quasi-totalité de notre alimentation bien sûr, mais
aussi notre climat. En effet, les sols du monde contiennent sur à peine
30 cm de hauteur autant de CO2 que toute l’atmosphère terrestre (environ
800 milliards de tonnes).
Touche pas à mon sol
Et pourtant
nous dégradons ce patrimoine à grande vitesse. Une partie des sols
s’érode et finit sa course dans les rivières et les océans. La faute
principalement à l’agriculture intensive qui laboure et laisse les sols
nus et donc sans défense une bonne partie de l’année. Et qui a détruit
les haies et prairies qui limitaient le ruissellement des eaux. La FAO
(Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture)
estime que cette seule érosion frappe 24 milliards de tonnes de sols par
an, soit 3,4 tonnes par être humain. Enorme. En France, la situation
est inquiétante notamment en région parisienne mais aussi dans une
partie de la Bretagne et de la Picardie (voir carte ci-dessous réalisée dans le cadre du projet GISSOL).
« Dans ces régions, on peut voir l’érosion à l’œil nu avec les ravines, les rigoles ou les rivières qui sont marrons, pleines de boues »,
indique Dominique Arrouays. L’autre grand danger pour le sol, c’est le
béton. D’après le ministère du Développement durable (aujourd’hui
remplacé par le Service de l’observation et des statistiques), 600 km2
de terres sont artificialisées chaque année en France, soit l’équivalent
d’un département tous les dix ans. « Le sol n’est alors plus exploitable à jamais. Et il ne joue plus son rôle de filtration des eaux de pluie »,
note le spécialiste. On s’en rend compte souvent trop tard, lors
d’événements violents, comme les inondations. Et la liste des mauvais
traitements infligés aux sols ne s’arrête pas là : ils sont aussi
tassés, pollués, contaminés, acidifiés et perdent en biodiversité.
« Le pic sol »
Le problème, c’est que l’on dégrade ces sols beaucoup plus vite que la
nature n’en crée. A-t-on atteint le « pic sol », comme on a atteint le pic du pétrole ou le pic de certains métaux ? « A
mon avis on l’a déjà dépassé oui. Il y a des régions en France où l’on
perd entre 20 tonnes de sol par hectare et par an, alors qu’il s’en
forme entre 100 kilos et une tonne par hectare et par an », s’alarme
le président de l’Afes qui estime qu’au moins 20% des sols français
sont en situation de déficit. Soit autant de territoires qui pourraient
se retrouver sur le caillou à l’échelle de quelques dizaines d’années. A
tel point que, selon l’expression du spécialiste des sols Claude Bourguignon« nous manquerons de blé avant de manquer de pétrole ». La course au sol est déjà lancée, notamment en Afrique où l’accaparement des terres se fait au détriment des populations locales.
Reconquérir la terre
Reconquérir la terre
Peut-on faire machine arrière ? De nombreuses solutions sont connues.
D’abord, reconquérir les milliers d’hectares de friches industrielles
plutôt que de bétonner des sols « vivants ». Ensuite, changer les
pratiques agricoles, en labourant moins, voire plus du tout, en cultivant des plantes « pièges à nitrates » entre deux cultures, en retrouvant les bienfaits de la prairie.
Cela passe aussi par nos jardins où ne pousse trop souvent qu’une
pelouse bien tondue et où les pesticides sont répandus sans façon.
Chacun peut aussi contribuer à nourrir la terre de ses déchets
organiques en adoptant des lombrics. Pas d’excuses, de nombreux citadins montrent que c’est possible même sans jardin, voire même au pied des immeubles.
Visuel : ecollectivites.net
Mots clés : alimentation, agriculture, environnement, sols pollués, "pic sol", eau de pluie
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