Pionniers du business
social, le réseau Ashoka veut encourager les rapprochements entre
entreprises solidaires et sociétés capitalistes.
Il faut démultiplier la force de frappe contre la pauvreté. Pour le
réseau mondial d'entrepreneurs sociaux Ashoka, il y a urgence. Selon une
étude commandée par Ashoka à Accenture, on compte 50 millions de
pauvres dans sept pays européens (Allemagne, Belgique, Espagne, France,
Grande-Bretagne, Irlande, Pologne), qui, bien que dépensant 220
milliards d'euros, voient nombre de leurs besoins (santé, logement,
nutrition, etc.) non couverts. Il y a là potentiellement d'importants
gisements d'activité "qui représentent des opportunités de marché pour
les entreprises classiques : elles peuvent lutter contre la pauvreté
tout en restant dans leur logique", explique Laurence Grandcolas,
d'Ashoka France.
En quelque sorte, il s'agit de vaincre la pauvreté grâce au profit. A
condition de faire équipe avec les entrepreneurs sociaux, bien placés
pour analyser les besoins des personnes en difficulté, comme cela se
fait en Inde, par exemple, pour la construction de logements sociaux.
Sous le nom de "cocréation", Ashoka veut encourager ces
rapprochements et ouvre pour cela un centre au Palais Brongniart,
l'ancienne Bourse, au cœur de Paris. Mais ce faisant, Ashoka, d'origine
américaine, bouscule la culture française. Beaucoup d'acteurs de
l'économie sociale - souvent de statut associatif - restent méfiants à
l'égard des groupes capitalistes, échaudés par les discours souvent
bidon des entreprises sur leur prétendue RSE (responsabilité sociale des
entreprises), et moins convaincus que les Américains des pouvoirs
magiques du marché. Du coup, Ashoka met en avant quelques exemples de
partenariats, encore très modestes, qui ont fait leurs preuves.
Parfois, c'est [même] un nouveau "business model" qui s'invente.
André Dupon, président d'un groupe d'insertion de 3.000 salariés dans le
Nord, Vitamine T, multiplie les alliances avec des entreprises privées.
Sa filiale Envie 2e Nord, au statut de SAS (société par actions
simplifiée), réalise 15 millions d'euros de chiffre d'affaires en
récupérant les matières premières des appareils électroniques et
électroménagers, et fait travailler 300 salariés qui sont des personnes
en réinsertion. Pour monter cette activité, Vitamine T a fait entrer
avec succès dans le capital d'Envie 2e Nord un industriel du secteur, le
groupe Van Gansewinkel, leader de la récupération de déchets au
Benelux. Avec Alstom Transport et d'autres entreprises privées, Vitamine
T vient également de créer la première filière française de
déconstruction du matériel ferroviaire hors d'usage. "Je plaide sans
complexe pour l'entrée des entreprises sociales dans l'économie de
marché ! C'est le seul moyen pour nous de changer d'échelle", conclut
André Dupon.
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Le Nouvel Observateur, 18-07-2013 - Jacqueline de Linares
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