lundi 19 août 2013

SOCIAL : Entrepreneurs sociaux, vaincre la pauvreté grâce au profit

Pionniers du business social, le réseau Ashoka veut encourager les rapprochements entre entreprises solidaires et sociétés capitalistes. 

Il faut démultiplier la force de frappe contre la pauvreté. Pour le réseau mondial d'entrepreneurs sociaux Ashoka, il y a urgence. Selon une étude commandée par Ashoka à Accenture, on compte 50 millions de pauvres dans sept pays européens (Allemagne, Belgique, Espagne, France, Grande-Bretagne, Irlande, Pologne), qui, bien que dépensant 220 milliards d'euros, voient nombre de leurs besoins (santé, logement, nutrition, etc.) non couverts. Il y a là potentiellement d'importants gisements d'activité "qui représentent des opportunités de marché pour les entreprises classiques : elles peuvent lutter contre la pauvreté tout en restant dans leur logique", explique Laurence Grandcolas, d'Ashoka France.
 
En quelque sorte, il s'agit de vaincre la pauvreté grâce au profit. A condition de faire équipe avec les entrepreneurs sociaux, bien placés pour analyser les besoins des personnes en difficulté, comme cela se fait en Inde, par exemple, pour la construction de logements sociaux.

Le bric-à-brac d'Emmaüs Défi, rue Riquet Paris. (LCHAM/SIPA)
Le bric-à-brac d'Emmaüs Défi, rue Riquet Paris. (LCHAM/SIPA)


Sous le nom de "cocréation", Ashoka veut encourager ces rapprochements et ouvre pour cela un centre au Palais Brongniart, l'ancienne Bourse, au cœur de Paris. Mais ce faisant, Ashoka, d'origine américaine, bouscule la culture française. Beaucoup d'acteurs de l'économie sociale - souvent de statut associatif - restent méfiants à l'égard des groupes capitalistes, échaudés par les discours souvent bidon des entreprises sur leur prétendue RSE (responsabilité sociale des entreprises), et moins convaincus que les Américains des pouvoirs magiques du marché. Du coup, Ashoka met en avant quelques exemples de partenariats, encore très modestes, qui ont fait leurs preuves.

Parfois, c'est [même] un nouveau "business model" qui s'invente. André Dupon, président d'un groupe d'insertion de 3.000 salariés dans le Nord, Vitamine T, multiplie les alliances avec des entreprises privées. Sa filiale Envie 2e Nord, au statut de SAS (société par actions simplifiée), réalise 15 millions d'euros de chiffre d'affaires en récupérant les matières premières des appareils électroniques et électroménagers, et fait travailler 300 salariés qui sont des personnes en réinsertion. Pour monter cette activité, Vitamine T a fait entrer avec succès dans le capital d'Envie 2e Nord un industriel du secteur, le groupe Van Gansewinkel, leader de la récupération de déchets au Benelux. Avec Alstom Transport et d'autres entreprises privées, Vitamine T vient également de créer la première filière française de déconstruction du matériel ferroviaire hors d'usage. "Je plaide sans complexe pour l'entrée des entreprises sociales dans l'économie de marché ! C'est le seul moyen pour nous de changer d'échelle", conclut André Dupon.

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Le Nouvel Observateur, 18-07-2013  - Jacqueline de Linares

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