... Tout ça pour ça ?
Le Débat national sur la transition énergétique, annoncé lors de la conférence environnementale de septembre 2012, a connu au premier semestre 2013 des développements tous azimuts, après un démarrage un peu poussif.
La remise officielle de ses conclusions lors de la conférence environnementale de septembre 2013 a précédé la présentation d’un projet de loi de programmation sur la transition énergétique qui devrait être débattu au Parlement en 2014. Enjeux nationaux et locaux, prises de position et rapports de force : La Gazette révèle dans un dossier spécial les coulisses du débat. En voici quelques extraits relatifs à la fin de ce rendez-vous citoyen.
Vanté comme
« une expérience sans précédent de démocratie participative », brocardé à ses
débuts pour sa mise en place laborieuse puis en raison d’une méthode illisible,
volontiers
qualifié « d’usine à gaz », défendu contre vents et marées par ses promoteurs sur le refrain « Vous
allez voir ce que vous allez voir », le Débat national sur la transition
énergétique (DNTE) a manqué son épisode final, jeudi 18 juillet 2013, à Paris.
Laissant acteurs et observateurs sur l’étrange impression d’un feuilleton
inachevé.
«
Chronophage » - Car, après neuf séances plénières de son conseil national, des
dizaines d’heures d’auditions de patrons de grandes entreprises, d’économistes,
d’universitaires ou encore d’associatifs, une
multitude de réunions de groupes de travail, plusieurs centaines de débats dans l’ensemble du
pays ayant attiré 170 000 personnes, environ 1 200 contributions déposées sur
un site Internet consulté par 300 000 visiteurs uniques ou encore des Journées
de l’énergie organisées sur le mode de celles du Patrimoine, cette opération
lancée en novembre 2012, unanimement qualifiée de « chronophage » par des
parties prenantes à la limite de « l’overdose », a failli à sa mission en ne
parvenant pas à publier les « recommandations » prévues par son cahier des
charges.
Coup de
théâtre - Mais, alors que des rumeurs avaient couru sur un possible départ des
ONG avant la fin de la partie, c’est le Medef qui, à l’entame de la dernière
séance, a menacé de claquer la porte. En refusant « d’endosser » un document
titré « recommandations » alors qu’il comportait « de nombreux points ne
faisant pas l’objet d’un consensus ».
Un coup de
théâtre de dernière minute qui a contraint la facilitatrice du DNTE, Laurence
Tubiana, à un exercice d’équilibriste linguistique pour reformuler un texte
pourtant déjà « construit dans la douleur », précisait-elle. Et, au bout du
compte, le « vendre » aux protagonistes comme une simple « synthèse des travaux
» énonçant « quinze enjeux majeurs ».
Consensus
sur l’évidence… - Ce document d’une trentaine de pages dresse la liste des «
actions » suggérées par les acteurs du DNTE en matière d’efficacité énergétique,
de mix, de gouvernance et de financement – les grands thèmes mis en discussion.
Les propositions sont en grande majorité consensuelles… parce qu’elles relèvent
de l’évidence (rénovation thermique des bâtiments, précarité énergétique) ou
n’entrent pas assez dans le détail pour soulever des oppositions.
… «
dissensus » sur le reste - Et, lorsqu’elles sont contestées par certains
participants, le « dissensus » est acté. C’est le cas de la réduction à 50%
d’ici 2025 de la part du nucléaire dans la production d’électricité, de la
division par deux de la consommation d’énergie finale à l’horizon 2050, du sort
à réserver aux gaz de schiste, de la fiscalité du diesel. Autant de
problématiques majeures de la transition énergétique sur lesquelles les échanges
n’ont pas permis de rapprochement.[...]
Le porte-parole de la Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et
l’Homme (FNH), Matthieu Orphelin, a préféré mettre l’accent sur « 95% de
propositions consensuelles et 5% de dissensus », en omettant délibérément de
hiérarchiser les sujets pour privilégier l’affichage. Et « sauver le travail de
neuf mois ».
[Mais] que restera-t-il de ce long processus lorsqu’en
septembre 2013, à l’occasion du deuxième acte de la Conférence environnementale,
le comité de pilotage aura remis cette « synthèse » des travaux du DNTE au
président de la République ?
« Un débat national, ça ne remplace pas le gouvernement », a tenu à préciser le nouveau ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie, Philippe Martin, en ouvrant la séance du 18 juillet. Comme pour rappeler aux parties prenantes qu’après avoir ouvert les vannes, l’exécutif reprend la main.
François
Brottes à la manœuvre - Le législatif a commencé, ou plus précisément le
président de la commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale et
député PS de l’Isère François Brottes, qui mène depuis fin mai son
propre débat sur la transition énergétique. Il n’a jamais cru aux vertus d’un DNTE qui,
contrairement au Grenelle de l’Environnement, s’honorait pourtant d’accueillir
les parlementaires, afin, contrairement au Grenelle de l’Environnement,
d’éviter de voir les mesures proposées ensuite détricotées par le Parlement. [...]
La loi, rien
que la loi - Convaincu de l’inutilité du DNTE, car « les conclusions étaient
pré-écrites et son seul objet était de valider les annonces dogmatiques de la
Conférence environnementale de septembre 2012 », le syndicat Force ouvrière (FO), fidèle à une
attitude proclamée dès le premier jour, a refusé de cosigner le texte de
synthèse. « Pour nous, c’est la loi qui compte. Nous prendrons donc position
sur le texte qui sera voté », a justifié son secrétaire confédéral Pascal
Pavageau.
Un avant et
un après ? - Tout en concédant que le « moment-clé » sera le débat au
Parlement, le sénateur EELV Ronan Dantec s’est enflammé pour un processus qui «
marque une victoire de la démocratie participative et est un signal de maturité
de la société française ». « Le rôle des collectivités territoriales dans la
transition énergétique est reconnu », se félicite-t-il… « mais des questions
compliquées demeurent », admet-il. Et il assure qu’il y a « un avant et un
après ce DNTE ».
Borloo
mécontent - A l’opposé, le président de l’Union des démocrates et indépendants
(UDI) et « père » du Grenelle de l’Environnement, Jean-Louis Borloo, regrette
que le DNTE « accouche d’une ‘‘synthèse’’ a minima ». Et
il a demandé au gouvernement d’appliquer les lois issues du Grenelle « plutôt que
de retarder les décisions ».
Le silence
de Batho - Pas un signe en revanche de la part de l’ex-ministre Delphine Batho,
limogée du gouvernement mardi 2 juillet avant donc d’avoir pu conclure un débat
dans lequel elle s’était énormément investie. Elle en avait loué les qualités.
Et qualifié le Grenelle de l’Environnement de « grand coup de com’ et derrière,
ça s’est complètement effiloché ». Les éléments de langage lui ont peut-être
manqué pour caractériser le dénouement raté de « son » DNTE.
Source : lagazette.fr, consultation du 30 septembre 2013
Mots clés : transition énergétique, France, débat national
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