vendredi 18 octobre 2013

La forêt amazonienne inventoriée pour la première fois

Difficile de se figurer ce que représente l'Amazonie, plus vaste aire de forêt tropicale humide et plus grand réservoir de biodiversité au monde, qui s'étend sur près de 6 millions de km2 et sur neuf pays. Pour la première fois, une équipe internationale de chercheurs a dressé l'inventaire des arbres qui peuplent ce bassin, afin d'en connaître la diversité, la rareté et la richesse, dans une étude publiée dans la revue Science, vendredi 18 octobre.

Il en résulte que la forêt amazonienne est composée de près de 390 milliards d'arbres appartenant à environ 16 000 espèces différentes. Parmi elles, 227 (soit 1,4 % du total) sont hyper dominantes et totalisent plus de la moitié des individus, alors que les 11 000 essences rares décomptées représentent seulement 0,12 % des spécimens.

Les espèces majoritaires regroupent des palmiers (notamment Euterpe oleracea, espèce emblématique de l'Amazonie, utilisée dans l'agroalimentaire et consommée sous forme de boisson énergétique dans plusieurs pays de la région), des Myristicaceae (famille du muscadier) et des Lecythidaceae (famille du noyer du Brésil).

1 170 PARCELLES À LA LOUPE
Comment les scientifiques ont-ils réalisé ce tour de force ? Près de 120 chercheurs issus de 88 organismes ont agrégé, pendant dix ans, des données récoltées sur 1 170 parcelles de 1 hectare (soit un demi-million d'arbres) représentant l'ensemble des types de couverts forestiers de la région (Brésil, Bolivie, Pérou, Equateur, Colombie, Venezuela, Guyana, Suriname et Guyane française).

"On a cartographié chaque parcelle, étudié le sol, mesuré la hauteur et la circonférence de chaque arbre et prélevé des échantillons de bois pour les analyser en laboratoire", décrit Daniel Sabatier, chercheur spécialiste de la forêt amazonienne à l'Institut de recherche pour le développement, qui a participé à l'étude. Les données ont été regroupées dans le réseau international Amazon Tree Diversity Network. Une extrapolation – grâce à un modèle de distribution des abondances – a finalement permis d'obtenir des statistiques sur l'ensemble du bassin.
"C'est un travail colossal. Aucune équipe seule n'aurait été capable d'appréhender l'Amazonie dans son ensemble", assure le chercheur. De fait, des tentatives d'inventaires avaient déjà eu lieu, mais s'étaient cantonnées à une échelle locale, en raison de l'étendue de la zone et de sa difficulté d'accès.

ESPÈCES RARES À PROTÉGER
"On a trouvé plus d'espèces qu'attendu, mais seulement un petit nombre d'entre elles dominent le couvert forestier et réalisent l'essentiel des cycles biogéochimiques, s'étonne Daniel Sabatier. On ne sait pas encore comment l'expliquer. On a émis l'hypothèse que ces espèces sont celles qui résistent le mieux aux attaques de parasites qui sont très importantes dans cette région." L'identification de ces principales familles d'arbres servira à simplifier les futurs modèles d'étude de la biodiversité, estime le chercheur.

Les scientifiques appellent également à poursuivre la recherche sur les espèces rares qui, du fait de leur répartition très limitée et de la déforestation qui les menace, risquent de disparaître avant même d'avoir été observées et décrites. Selon l'étude, 6 000 espèces comptent moins de mille spécimens, ce qui les inscrit automatiquement sur la liste rouge des espèces menacées d'extinction de l'Union internationale de conservation de la nature. "Un effort immense reste à produire si on veut davantage les documenter et savoir comment les protéger", indique Daniel Sabatier. Près d'un cinquième de la forêt amazonienne a disparu depuis 1970.

Source : 
Le Monde.fr | • Mis à jour le | Par

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire