mardi 1 octobre 2013

LEGISLATION : Inflation des normes, faut-il "dégonfler le mammouth" ?



A l’origine plutôt bien accueillies car elles apportaient un accroissement de la qualité et de la sécurité, les normes s’attirent de plus en plus les foudres des élus locaux et des collectivités territoriales : trop nombreuses, trop coûteuses, hors de propos… Plusieurs chantiers sont en cours pour tenter de contrôler le « monstre normatif ». Qui se cache derrière l’élaboration des normes ? Que recouvre le terme « norme » ? Quels rouages conduisent à une inflation dénoncée mais continue de leur nombre ? « La Gazette » a mené l’enquête et vous en livre les résultats dans 7 articles :
  •  La petite fabrique des normes
  • Normes : Alain Lambert mise sur le "choc de compétitivité juridique"
  • Normes : Vers un nouveau CNEN plus puissant que le CCEN
  • Modernisation du droit de l'environnement : rendre les normes plus lisibles
  • Normes : "prendre en compte les collectivités territoriales sans les asphyxier"
  • A quelles normes se vouer ? Les atouts des normes volontaires
  • Normes : de l'adaptabilité à la proportionnalité
Parmi ceux-ci, nous avons choisi de vous faire partager un extrait du premier, la petite fabrique des normes. 

Qui se cache derrière l’élaboration des normes ? Que recouvrent les termes « norme »,  «norme d'application » ,  « norme volontaire » ?  Le débat est là car il existe un savant mélange de normes d’application obligatoire (loi, décret, arrêtés…) et de normes volontaires (de type Afnor). Et pour cause, les producteurs de normes sont multiples.
Au sein de l’Etat, le secrétariat général du gouvernement (SGG) devrait servir de « gare de triage », selon le président de la Commission consultative d’évaluation des normes (CCEN), Alain Lambert, président (DVD) du conseil général de l’Orne.
Cette institution administrative, dépendant du Premier ministre, « jette un regard sur l’ensemble des textes réglementaires et voit passer tous les textes publiés au “Journal officiel » détaille Célia Vérot, directrice, adjointe au secrétaire général du gouvernement, chargée de la simplification. Le SGG ne fait pas de modification, seulement des vérifications : nécessité du texte, bonne proportionnalité par rapport aux objectifs poursuivis, réalisation de l’étude d’impact, possibilité de réduction de charges, règle exprimée clairement, etc.
Le SGG a le pouvoir de bloquer un texte, notamment s'il est trop long ou trop complexe.
Selon Alain Lambert, les administrations centrales souffrent d’un « manque de culture juridique. Compétentes techniquement, elles oublient que la règle doit être adaptée dans son écriture au destinataire.  
Selon certains maires tel celui de Sceaux (Hauts-de-Seine), « les parlementaires se font imposer les textes par les administrations centrales. Il y a bien sûr des études d’impact sur les projets de loi, mais pas sur les amendements. » De plus, « obtenir une norme devient un enjeu de combat", tant la pression des lobbys est importante.
Mais, c’est surtout dans l’élaboration des normes volontaires que les réseaux d’influence agissent ouvertement aux niveaux international, européen comme national. Au sein de l’Afnor, les textes sont rédigés, sur la base du consensus, par les commissions de normalisation dédiées à des domaines précis. Celles-ci se composent des acteurs du champ économique concerné. Y participe qui veut, moyennant un droit d’accès - entre 1 650 euros à 3 330 euros pour une collectivité et quatre à cinq réunions par an -. Tout un chacun peut s’exprimer - gratuitement cette fois - quand le projet de norme est publié sur le site de l’Afnor lors de l’enquête publique préalable.
L’Etat vise ces normes volontaires par l’intermédiaire du Squalpi (sous-direction de la qualité, de la normalisation, de la métrologie et de la propriété industrielle au ministère du Redressement productif) et entité de tutelle de l’Afnor.
Celui-ci « garantit que chaque nouvelle norme ne vienne pas contredire un règlement », explique Arnaud Lafont, adjoint au délégué interministériel aux normes, patron de l’entité. Mais il intervient sur la forme de la norme, non sur les détails techniques. « Nous sommes des généralistes et ne pouvons connaître tous les secteurs des 30 000 normes » du catalogue Afnor, déclare l’adjoint.
D’où le raté sur les normes sismiques qui s’appliquent « là où la terre n’a jamais tremblé », troisième prix de la liste de normes absurdes du rapport « Boulard-Lambert » de mars 2013. Initialement volontaires, certaines normes sont devenues d’application obligatoire car citées dans des règlements.
Ainsi, l'absurdité résulte parfois du fait  que les rédacteurs des normes ne sont pas ceux qui les appliquent.
A l’Afnor, les collectivités, par l’intermédiaire des associations d’élus et de territoriaux, sont représentées dans deux instances : le comité de concertation normalisation collectivités locales (CCNC) et la gouvernance de l’organisme (une voie d’expression menant aux discussions dans les instances internationales). Leur présence permet de coller au mieux à leurs impératifs et à la réalité du territoire, malgré les difficultés rencontrées en termes de temps et d'argent. De ce fait, « les collectivités ne sont pas toutes égales » à ce niveau-là, fait remarquer son directeur Cédric Szabo, directeur de l’Association des maires ruraux de France [AMRF].
Le Conseil d’Etat pourrait bien ouvrir une brèche avec son prochain rapport annuel sur le « soft law », ou « droit souple », qui pousse à moins rendre obligatoire le droit. Une nouvelle approche préconisée par l’Afnor, où la norme obligatoire se contente de fixer les objectifs et laisse aux acteurs le soin d’employer les moyens les plus adaptés à leur situation locale pour y parvenir. Déjà une forme d’adaptabilité des normes…

Source : lagazette.fr, le 04 juin 2013
Mots clés : normes, législation, France, ISO, NF

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